Parfois, l’ardeur que l’on met dans une discussion pour imposer ses vues est dĂ©mesurĂ©e. L’ambiance, les personnes, le sujet, le lieu, tout concourt Ă l’excès. J’Ă©tais, il y a peu, nuitamment invitĂ© chez mon fiancĂ© « officiel », je ne sais si c’est la prĂ©sence d’une plus ancienne, une certaine RĂ©gis de Dijon, ou l’excellent « Verre des Poètes » d’Emile HĂ©rĂ©dia que j’avais bu, toujours est-il que je me sentais comme Jean-Baptiste BOTUL, prĂŞt Ă disserter de tout et surtout de rien avec n’importe quel BHL de bastringue. Pour me venger de la prĂ©sence de cette autre
just'Ă l'ombre
j’amenai la conversation sur « Saint Auban », sujet sensible s’il en est. Outre le paĂŻen charitable tel que le dĂ©crit ce sacrĂ© vieux « Bède le VĂ©nĂ©rable », son biographe, Saint Auban est un petit village des Alpes Maritimes qui voit sĂ©vir sur ses terres montagnisantes la famille FERRANDEZ depuis un demi-siècle. Au dĂ©but FERRANDEZ Père fut le bienvenu dans le quartier, il acheta ce fichu terrain situĂ© plein nord Ă l’ombre d’un bout de colline humide. Humide n’est peut-ĂŞtre pas le terme exact pour dĂ©finir cet amalgame tourbeux et glaiseux gorgĂ© d’eau glaciale, mais bon. Après vint l’idĂ©e d’y construire un chalet, donc. Vu la configuration des lieux, il a dĂ» quelque peu hĂ©siter entre maison et bateau. La maison l’emporta. Quoique… Enfin le rĂ©sultat est un sage compromis, Ă savoir un lieu convivial fait de bois qui laisse passer le vent et de fenĂŞtres qui laissent pĂ©nĂ©trer le froid; oĂą rien ne peut se flatuler sans ĂŞtre entendu de la communautĂ© prĂ©sente.
La tribu ferrandezienne reste très attachĂ©e Ă ce lieu, tĂ©moin d’un passĂ© heureux oĂą les vacances scolaires rythmaient ces joyeuses transhumances entre Nice et St Auban. Le père, amateur de belles amĂ©ricaines, sortait la Cadillac dans laquelle s’entassaient les quatre frères et sĹ“urs et c’Ă©tait parti pour deux heures de voyage Ă jamais gravĂ©es. C’Ă©tait hier. Jacques je te demande pardon pour avoir par jalousie maladive et maladroite profĂ©rĂ© des injures envers votre maison. On ne touche pas Ă l’enfance ou alors discrètement. Je tiens Ă faire ici, publiquement mon Mea Culpa.
Pendant
Surtout que moi aussi je me sens liĂ© Ă ce lieu. Car St Auban c’est aussi un lieu de prière, de recueillement oĂą nous allons chaque annĂ©e nous ressourcer, puiser au fond de nous mĂŞme cette spiritualitĂ© qui nourrit notre quotidien. Cette retraite nous la pratiquons au printemps quand l’agneau de lait, las de vivre loin des lumières de la ville qu’il sait ne jamais pouvoir rejoindre, de dĂ©pit nous offre son petit corps suave.
Afin d’Ă©lever nos âmes et nos pensĂ©es plus près de Dieu, nous pratiquons la mise en relation avec l’ĂŠtre SuprĂŞme dite « d’Inconscience Horizontale ». Les incrĂ©dules et autres ignares assimilent souvent ces instants Ă la sieste. Erreur de novice, nous communions. Et que faut-il pour communier ? Du vin. Du vin et un tout petit peu de pain. Notre Ordre Ă©tant de nature partageuse, chaque annĂ©e des frères d’autres congrĂ©gations nous rejoignent dans la prière, GrĂ©goire de Fronsac, Pierre de RestignĂ©, Yannick de Lille, Michel de Toulon. Nous avons mĂŞme eu, fait unique Ă ce jour, une prĂŞtresse de la VallĂ©e du RhĂ´ne qui, sous un habile dĂ©guisement, assista Ă nos cĂ©lĂ©brations sans ĂŞtre dĂ©masquĂ©e (depuis nous vĂ©rifions la nature de nos hĂ´tes).
séance de méditation collective
Ces Ă©changes entre membres de communautĂ©s diffĂ©rentes sont fĂ©dĂ©rateurs et tendent Ă nous Ă©largir le cercle. Notre mouvement irrĂ©versible est en marche. Pour oĂą ? Pour quoi ? Nul ne sait mais nous y allons en chantant, tels les premiers chrĂ©tiens dans l’arène, « Il est des nÔÔôôôôtres !  » Il en est ainsi chaque annĂ©e Ă l’annonce du printemps, les six fondateurs de cette cĂ©lĂ©bration ont un lĂ©ger sursaut, signe de la sortie d’hiver, puis un vague frĂ©tillement qui ira jusqu’aux convulsions frĂ©nĂ©tiques Ă la veille du grand moment. En ce dĂ©but mars je ressens les signes annonciateurs et vais entamer une pĂ©riode de jeĂ»ne salvatrice.
Merci Frère Jacques !