Une belle paire de Chassagnette

Confusion des sens et des mots ou perturbation endocrinienne, j’aurais fortement tendance avec l’avènement de ce printemps à voir le mâle partout. Même si cela ne fait que quelques années que je détourne régulièrement mes vols vers le sud lorsque je croise au large d’Arles, le chaleureux accueil que nous avaient réservé Michel Miailhe et Yoann Tavarés, le jeune sommelier de La Chassagnette, me semblait sans commune mesure avec l’importance qu’ils auraient dû accorder à notre venue.

Velouté d'herbes amères

Ajoutez à cela le fait qu’ils nous faisaient inaugurer la Table de Cuisine et qu’à peine installés une bouteille emmaillotée déversa dans nos verres une jolie bulle au nez floral et frais. C’est au sourire perfide de Yoann, lorsqu’il me dit « Normalement!… Tu devrais trouver! » que j’ai senti comme un vent de conspiration. Cette mise en examen public devant ma fiancée, mon associé et un couple d’amis avait de quoi me tournebouler. J’allais devoir révéler à ma promise, en présence de tiers, que tous ces voyages d’études en terres vigneronnes n’avaient abouti qu’à ce triste constat d’échec : l’amant à table est lamentable.

J’avais beau me triturer le bulbe, rien n’arrivait en surface, nul souvenir, nulle référence vague à laquelle me raccrocher. J’échouais. De même qu’il avait sauvé l’ami Tolmer du lynchage lors de sa précédente venue, Michel finit par me venir en aide en libérant la bouteille de sa chaussette. Une bulle japonaise. Une bulle à base de riz, le Tavarès avait raison, normalement, si j’avais été bon, j’aurais dû me souvenir que deux fois dans ma vie j’avais mis mon nez dans un verre de saké, dont on retrouvait ici les mêmes notes florales et délicates.

Bulles de riz

Vieillir ne me porte pas naturellement vers l’indulgence envers les générations montantes et je comprends mieux pourquoi les vieux finissent seuls avec leur fusil appuyé contre la roue du fauteuil. La suite me donna raison, Yoann, l’insolent, insista et tenta de soumettre à mon indéniable talent de dégustateur quelques belles bouteilles dont j’ai préféré oublier les noms, tant il était aisé de les reconnaitre, m’attachant plus particulièrement à la cuisine où mes grandes capacités d’analyste olfactif ne pouvaient être contestées. Quel régal que ce velouté d’herbes amères… filet de lisette à la nage… légumes croquants… betterave et estragon… salade façon thaï misuna et …., belles asperges … vinaigrette safranée, yaourt de chèvre, roquette sauvage, agneau, carottes ……, poireaux crayons, …piment, citronnelle, etc…. Il me revient le souvenir d’un excellent repas avec en finale, pour garder une belle bouche fraiche, un champagne rosé de La Closerie au mieux de sa forme, tout comme nous. Et que dire du service, sinon qu’outre le fait de régler une douce addition, on se sent chez les Amis, ou presque. Quoiqu’un certain ait la taquinerie à fleur de tire-bouchon. Comment s’appelle-t-il déjà ???

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