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Zéro jaja, zéro blabla

mercredi 21 décembre2011

Eric Cuestas est-il doué de super-pouvoirs ? Et est-ce que ça ne serait pas aussi un peu le cas d’Amandine, sa femme ?

Quand vous poussez la porte du Temps des Vendanges,  leur cave-restaurant de Toulouse, vous ouvrez les yeux éblouis d’un gosse dans un magasin de jouets. Sur les étagères, un casting de rêve : l’élit’ de la vigneronerie nature au garde à vous. Des Prix Nobel du sans soufre jusqu’aux meilleurs jeunes espoirs, ils sont venus, ils sont tous là.

Mais du coup, par quoi commencer ? Alors on pose à Éric une question toute simple : « Qu’est ce qu’on boit ? ». L’espace d’un instant, il penche la tête, il se concentre, ça lui donne un air un peu soucieux. Le gars qu’accable la responsabilité de faire notre bonheur. Puis ses traits se détendent, un léger sourire erre sur ses lèvres et il se lance dans ce très long discours : « Ça, c’est bon. », marmonne t-il en désignant une quille.

Et c’est là que ça devient miraculeux : c’est toujours bon. Sur un échantillon représentatif de bouteilles bues sur ses conseils, jamais de jaja approximatif, jamais un pinard pas d’aplomb, jamais de « Tu serais venu avant-hier, ça goûtait d’enfer ! ». Même Michel Bettane le sait, les vins que nous appelons « nature » impliquent un sens de l’acrobatie qui ne les met pas toujours à l’abri de mauvaises surprises. Mais quand c’est Eric qui est au service, bizarrement, c’est que du bon. À se demander s’il est dans chaque bouteille. La dernière fois ( je venais me détendre un samedi midi avant de donner une très importante conférence devant huit personnes), c’était un aligoté 2009 en sur-maturité de De Moor qui plaçait la barre du plaisir très haut. Accompagné d’une assiette de charcuteries venant de maisons où, manifestement, les cochons sont sévèrement triés à l’entrée, du genre : « Vous, ça va pas être possible. Par contre, vous, le gros, derrière, vous pouvez rentrer ».

Mais tout ça n’était qu’un avant-goût, un préambule, des préliminaires, des prolégomènes. Le soir, la bave aux lèvres, direction Plaisance du Touch, dans l’agglomération toulousaine, où Éric et Amandine ont ouvert un Temps des vendanges bis. Voilà comment ça se présente : un emplacement sur un centre commercial houellebecquien, où a été greffée une enclave de bonheur. Ici aussi, il y a sur les étagères de quoi faire cracher à votre hypophyse un gros nuage d’endorphines. Vous faites « Oh ! »,  » aaaah ! »,  » whâoo !! », voire même « Oh P… de B… de M… », dans certains cas limites. Puis dans un deuxième temps, vous réalisez que l’euphorie qui s’est emparée de vous ne doit pas tout à l’accessoiriste, mais aussi à l’incroyable exploit de Marie Carmarans, dont l’immmmense talent de décoratrice a métamorphosé un bloc de béton brut en séjour enchanteur.

Ce soir-là, Eric avait organisé une dégustation autour de Banyuls, avec les vinaigres de Nathalie (La Guinelle) et les délicieuses cuvées de Yoyo, entre autres la Vierge Rouge, le très bel enfant qu’elle a eu avec Jean-François Nicq. Puis c’est Amandine qui a fait jouer ses super-pouvoirs : terrine de joue de boeuf à se mettre pas à genoux, mais presque, maquereau juste cuit, magret entier cuit avec l’os, des tripes à recommander à ceux qui n’aiment pas ça et une panna cotta à la compote de coings qui nous en a bouché un. Une magie discrète qui se résume à choisir les meilleurs produites à 200 km à la ronde, puis à leur accorder tous les égards qu’ils méritent : cuissons nickels, assaisonnements délicats. Moi, je ne regarderai plus jamais les centres commerciaux de la même manière. Entre le McDo et la laverie automatique, il est quand même possible de croiser des super-héros.