Opération « Figatellu »

Il est encore trop tôt pour les oranges et les pomelos mais c’est parfait pour les derniers figatelli. Cette cuvée issue de vrais porcs corses de Pietroso, rapportée par ma promise, est particulièrement exceptionnelle cette année, l’équilibre entre le foie et le gras est parfait. Deux manières de le déguster : grillé ou cru. Pour la version grillée, l’accompagnement idéal reste la pulenda.

Une farine de châtaigne tamisée, jetée dans un grand faitout, additionnée d’une quantité très précise d’eau bouillante car il n’est pas question d’en rajouter par la suite, que l’on touille énergiquement pendant 20 minutes avec un bâton de bois nommé « pulindaghiu ». Autant dire que la pulenda n’est pas un plat de célibataire, d’autant qu’en dehors du touilleur fou il faut se trouver un bon gars costaud pour tenir fermement la gamelle sur le feu. Le touilleur devra s’agiter le bâton de manière centrifuge et régulière sans oublier de décoller méthodiquement la pâte qui se sera accumulée sur les parois, faute de quoi vous aurez un goût de brûlé.

Au terme des 20 minutes, vous retournerez la gamelle et, sur un torchon recouvert d’un voile de farine, la pâte cuite tombera sans résistance. A l’aide d’un fil à coudre et surtout d’un geste sûr et ample, vous découperez des tranches d’un bon centimètre d’épaisseur que vous passerez sur le torchon enfariné. Hé oui cette boule marron qui ressemble à une expansion de César est le fruit d’un savoir ancestral. Pendant ce temps, vous aurez collé le plus chétif au barbecue, sa mission étant capitale car le plus important reste la synchronisation, les deux composants devant absolument être servis chauds. Nous conseillons sans retenue un rouge de chez Grotonio et Fils. Non seulement c’est bon mais en plus c’est excellent, ce sont des amis, mon éventuel beau-père a bien connu Marie du temps où elle était étudiante à Nice, alors ce rouge devient naturellement incontournable.

Mais ce matin, m’ayant acheté deux baguettes croustillantes au levain chez J-Y Catuogno, boulanger M.O.F. à Cagnes, une voix m’a dit : »PQ, ce midi tu mangeras un figatellu cru ». Généralement quand Dieu me parle sur ce ton, je m’exécute sans sourciller. « Hum! Et pour le vin je fais quoi? » Pas de réponse. Direction la cave. Depuis un certain temps, mes recherches au hasard m’amenaient souvent sur une bouteille d’Etats d’Âme 1997 d’Olivier Jullien. Son heure avait sonné.

Dès l’ouverture j’ai aimé ses arômes. Ma fiancée lui a reproché une légère acidité, mais j’ai fortement cru en lui et effectivement, une demi-heure plus tard, tout déboulait. Une grande puissance aromatique, une texture fine et une finale sur des tannins soyeux. Puissance et gourmandise. Figatellu, pain, beurre demi-sel et Olivier Jullien ont fortement contribué à l’amélioration de mon image auprès de mon amoureuse qui m’a avoué : »Hombre, c’est parfait ! ». Oui je sais c’est bizarre ce « Hombre! » plutôt que « Philippe » »Kéno » ou « Amour de ma vie ». De méchantes langues m’ont dit qu’ainsi l’emploi de ce terme générique évitait toute confusion.

9 réponses à “Opération « Figatellu »”

  1. 1amikivouvedubien écrit :

    Encore une fois, quelle poésie enchanteresse à nos papilles !!
    On en boirait et on en mangerait bien volontiers …

  2. Emeline écrit :

    « Grotonio et fils »……hombre, tu nous fait toujours autant rrrrriiiiiiirrrrrre!!!!!!!!!!!! à bientôt par chez nous? on a une commande à te faire…..

  3. Cricri écrit :

    M’étant acheté, non ?
    On ne dit pas je m’ai acheté Philippe, alors !!!!

  4. Balthazar écrit :

    J’sais pas si c’est de mon effet, mais quand j’disais que le Keno écrivait aussi peu qu’il buvait beaucoup, je constate que, depuis ma remarque, il use d’encre ( et de sa plume).
    Que les lecteurs ne me remercient pas, c’est quand même Keno qui s’y colle. L’ « hombre » qui nous éclaire.
    Je ne sais rien du « pulindaghiu » mais j’ai appris à connaître le « touilleur à choucroute ».
    Dans un pot conçu à cette fin, mettre dedans le gros chou plat de François Casier à Moutiers-sous-Argenton ( plus bio, à part le soleil, j’connais pas) râpé à la mandoline. Déposer de temps en temps du sel fin de Guérande du poivre noir en gros grains, des baies de genièvre. Tasser sans se lasser au touilleur. Tout en haut placer deux grosses pierres taillées dans la forme du pot. Recouvrir d’une nappe d’eau. Poser le couvercle du pot, ne pas oublier le joint d’eau. Laisser le chou au chaud 4 jours. La fermentation débute. Cela fait Glou mais pas Gueule ( pas encore). Veiller à renouveler le joint d’eau à l’occasion. 4 à 5 semaines plus tard la choucroute, délicieusement acide, est bonne, mais bonne! Mais bonne ! Et saine! Mais saine !

    Mais c’est trop tard dans la saison désormais. Il faudra attendre l’hiver. On n’a pas tous les jours l’occasion d’attendre l’hiver avec envie.
    Avec un Clos des Treilles de Nicolas Reau, enfin… s’il en reste.

    Balthazar

  5. Catherine Herbert de G écrit :

    Philippe, une fois de plus je te trouve un conteur merveilleux !

  6. Feuilly écrit :

    A table ! Bon appétit et large soif… Mais ne corrigerait-on pas cette coquille dont on a enlevé le « q » avec « tannins » et ses deux « n » alors que le « tanin » correctement orthographié en fait l’économie…

  7. philippe écrit :

    Hummm! Encore une délicieuse okasion de se faire phlageller !

  8. philippe écrit :

    Ça c’est l’influence néfaste de Mimi, je voulais écrire : m’ayant tacheté.
    Désolé!

  9. mimi écrit :

    profite mon PQ a te gaver de truffes et autres figatelli pendant que je suis sur un lit de douleur à boire du vichy !!!
    ma vengeance reviendra au goulot !
    bises
    mimi of bastian

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