Archive pour décembre 2015

Jean-Claude Pirotte – Quatre heures soupatoires

lundi 21 décembre2015

 » Une après-midi de fin d’hiver, Ă©blouissante et glaciale. J’ai traversĂ© la combe Lavaux, avec ses pans de rocher rouille et l’admirable pointe sèche de ses arbres nus, pĂ©trifiĂ©s par le givre. Sur les versants de la cĂ´te, des fumĂ©es s’Ă©levaient toutes droites des tas de sarments que brĂ»lent les vignerons. Le pays bas – c’est le nom que donnent Ă  la plaine de SaĂ´ne les gens d’ici – s’Ă©tendait jusqu’au revermont dans un scintillement presque douloureux. C’est la lumière d’une Bourgogne un peu sibĂ©rienne, quand le mercure du thermomètre, accrochĂ© dehors Ă  la porte du cellier, s’immobilise entre moins dix et moins quinze. On sait que cela ne peut durer, la sève dĂ©jĂ  frĂ©mit au cĹ“ur des ceps. C’est la saison d’explorer les combes, et de s’Ă©garer de la vallĂ©e de l’Ouche Ă  celle du Rhoin, parmi les mamelons et les escarpements de ce que, sur un ton de fiertĂ© malicieuse, l’homme de la cĂ´te appelle la montagne. Ă€ l’horizon, vers le nord, le relief Ă©vasĂ© du Plain de Suzanne exhale une brume très fine, comme une haleine de songe.

J’ai dĂ©passĂ© ChambĹ“uf, qui est un village mĂ©lancolique, parce que la vigne semble l’avoir oubliĂ©. J’Ă©voque la châtelaine de Vergy, ses amours trahies, et comme il suffit de rĂŞver pour que surgissent les lieux oĂą sont nĂ©es les lĂ©gendes, voici dressĂ©e devant moi la butte au sommet de laquelle cette amoureuse des premiers âges du roman se lamente encore, entre les ruines de son manoir dĂ©mantelĂ©. Ce n’est pas aujourd’hui, cependant, la belle châtelaine, « cele qui m’ert et compaigne et amie », que je vais rencontrer, mais la boulangère obèse aux yeux lourds qui tient boutique Ă  L’Étang-Vergy.

Une minutieuse sonnette grĂŞle tinte quand je pousse la porte. Il fait sombre, un poĂŞle gras de suie ronronne vaguement, sur le comptoir des verres sales moisissent, et les pains alignĂ©s sur une Ă©tagère ont un air de vieux tromblons. Ceci est une Ă©picerie-tabac-boulangerie-cafĂ©-salon de coiffure qui mĂ©rite un dĂ©tour d’un siècle. Je m’assieds sur une chaise boiteuse, les coudes entre les ronds de verres de la table. Il fait tout de mĂŞme un peu moins froid que dehors.

Un raclement de savates prĂ©historiques, et une voix plus rauque que celle d’Armstrong.

– Ce sera quoi ? Une omelette ?

J’ai rĂ©pondu d’accord, avec du vin bouchĂ©, si possible.

Une demi-heure de silence, ponctué par trois toussotements de fourneau.

Baveuse Ă  souhait, l’omelette. Et le vin, ah le vin ! Imaginez un velours d’un grenat subtilement moirĂ©, quelque chose de caressant et de robuste, une vision de beautĂ© lointaine et violente, eh bien oui, la châtelaine de Vergy, le bouquet de ses amours perdues, le souvenir d’un baiser pulpeux et secret, tout cela qui, je le confesse, tient de la poĂ©sie la moins digne d’estime, tout cela s’empare de moi dans cet estaminet sordide, et la boulangère-Ă©picière-coiffeuse, que je ne reconnais plus dans la pĂ©nombre, me chuchote Ă  l’oreille, d’une voix suavement rajeunie, que le philtre auquel je goĂ»te, c’est un morey des Monts luisants. « 

Jean-Claude Pirotte, Les contes bleus du vin, aux Ă©ditions Le temps qu’il fait

Les Caves de Prague

lundi 14 décembre2015

Je suis toujours le premier à râler sur les portions congrues et les traits de balsamique qui masquent cette indigence récurrente rencontrée dans pas mal de cantines, et quelque soit le niveau, alors pour une fois que je trouve mon bonheur je ne vais pas me gêner pour faire une pub outrancière aux deux compères qui occupent les Caves de Prague en résidence depuis une paire de mois.

Regardez moi ça comme c'est beau!

Regardez moi ça comme c’est beau!

StĂ©phane Camboulide et Patrice Gelbard, que j’ai connu sous des cieux plus bleus grâce Ă  Myriam et Bernard Plageoles dans son restaurant tarnais « Aux Berges du CĂ©rou » (Je m’en souviens d’autant mieux qu’Ă  l’Ă©noncĂ© du premier plat : « Dos de cabillaud dans son bouillon de jabugo et huitre » je me suis immĂ©diatement frottĂ© les mains discrètement sous la table en me disant que jamais ma fiancĂ©e n’arriverait Ă  passer outre la description, peu tentĂ©e habituellement par les produits de la mer. N’oublions pas que la Corse est montagnarde, on la distingue aisĂ©ment dans le paysage aux couleurs chatoyantes de ses vĂŞtements. Malheureusement pour moi, curieuse, elle goĂ»ta la subtile association et ne reposa pas les couverts Ă  mon grand dĂ©sespoir. Je l’ai haĂŻe un long instant.)

Restaient malgré tout, trois bouchées de far aux pruneaux pour lesquels j'allais m'ingénier afin de détourner l'attention et les engloutir subrepticement.

Restaient malgrĂ© tout, trois bouchĂ©es de far aux pruneaux pour lesquels j’allais m’ingĂ©nier afin de dĂ©tourner l’attention et les engloutir subrepticement.

Ils occupent le midi la succincte cuisine des Caves de Prague du mardi au samedi. Une formule Ă  15€, entrĂ©e/plat ou plat/dessert, vous pousserait facilement Ă  l’excès, lors de mon passage j’arrivais, l’estomac sur la table, au terme d’un marathon picolo-gastronomique d’une semaine et dus me limiter bien malgrĂ© moi. J’attaquais par un ceviche de mulet noir, mangue et litchi, d’une fraicheur revigorante, puis un dĂ©licieux encornet avec sa purĂ©e Ă  l’encre de seiche accompagnĂ©e d’une pousse de brocoli Ă  l’amertume dĂ©licate, le tout arrosĂ© d’un chenin de Loire. Une Tatin dĂ©gustĂ©e Ă  la masse au milieu de la table et quelques bouchĂ©es d’un far aux pruneaux crĂ©meux comme je les aime. Alors ça, si c’est pas un P… de repas comme je les aime : du goĂ»t, de la fraicheur et la quantitĂ©. Il faut que ce soit bon et en QUANTITE. Ce n’est pas Emmanuel Giraud qui me contredira. La masse, le volume, une approche de la dĂ©mesure, ça j’aime.

LĂ , il ne vous reste plus qu'Ă  pousser la porte pour avoir vous octroyer quelques instants de plaisir intense.

LĂ , il ne vous reste plus qu’Ă  pousser la porte pour vous octroyer quelques instants de plaisir intense.

Bon donc, rĂ©sumons, vous avez Ă  Paris au 8 Rue de Prague, dans le XII, une cantine de première bourre Ă  tomber Ă  la renverse, au rapport qualitĂ©/prix imbattable, ouverte du mardi au samedi. Tenez, pour le mĂŞme prix je vous donne le tĂ©lĂ©phone : 01 72 68 07 36. Grâce Ă  Glougueule et surtout au tandem Camboulide / Gelbard c’est NoĂ«l pour votre bouche avant l’heure. Profitez-en rapidement avant que les oiseaux ne s’envolent.

Zoé! Préserve-nous du mal!

mardi 8 décembre2015

Le mal de gorge n’est-il pas notre pire cauchemar en cette pĂ©riode faste pour dĂ©guster les belles syrah du Nord, les cabernets francs de Loire, vieux Bordeaux et jolis vins du Languedoc? Alors que les lièvres royaux viennent nous taquiner les papilles, que les sangliers s’embrochent, il est important que nous prĂ©servions au mieux le trajet qu’empruntent nos vins d’automne.  ZoĂ©, notre trop discrète graphiste, pense Ă  nous et revoit l’emballage des pastilles La Vosgienne afin, qu’habituĂ©s que nous sommes de son style dĂ©licat et fin, tout Ă  l’image de Glougueule, nous n’ayons aucune difficultĂ© Ă  reconnaitre ses boites dans le rayon de l’apothicaire. Ainsi parĂ©s nous pourrons goĂ»ter tout Ă  loisir et traverserons l’hiver sans encombres.

La Vosgienne à la sève de pin

La célébrissime boite revue par Zoé Thouron, déclinée dans ses trois versions : sève de pin, menthe fraiche et fruits.

Pour ce qui est de nos amis du Saleya Ă  ShangaĂŻ, je crains malheureusement qu’ils ne puissent cette fois rĂ©cupĂ©rer son travail pour le coĂ»t d’une mauvaise photocopie. Seront-ils capables de relever le dĂ©fi??? Ne les mĂ©sestimons pas trop et attendons le rapport de nos envoyĂ©s spĂ©ciaux.

Mardi 8 dĂ©cembre au Rubis, exposition Pierre Mortel comme son nom l’indique

vendredi 4 décembre2015

ExpoRubis2015_flyerWEBVous aurez peut-ĂŞtre repĂ©rĂ© un indice : Mortel, c’est l’anagramme de Merlot et au cas oĂą ça ne suffirait pas, prĂ©cisons que Pierre Mortel est le fils du frère de l’ami d’un vigneron de Fronsac dont le cĂ©page majoritaire est le… merlot. Troublant, n’est-ce pas ? Quand une exposition est entourĂ©e d’un tel faisceau de coĂŻncidences, pas besoin d’ĂŞtre Andy Warhol pour prĂ©dire que ça va ĂŞtre du lourd, de l’excitant, peut-ĂŞtre mĂŞme l’acte fondateur d’un nouveau Grand Mouvement artistique comme le constructivisme, l’Arte Povera ou Glougueule. Hein ? Comment ? Mais oui, absolument, l’Arte Povera peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un des mouvements artistiques majeurs du XXe siècle !

Pour arrĂŞter deux secondes d’ĂŞtre trop sĂ©rieux, Pierre est dessinateur, peintre, vidĂ©aste, bĂ©dĂ©iste et très douĂ© pour faire sortir de son imagination plein de crĂ©atures issue de la culture pop, tracĂ©es d’une main sĂ»re, avec un sens de la composition bluffant. Si vous ratez ça ( vous avez jusqu’au 16 janvier ), ne venez pas vous plaindre que votre existence vous semble morne et ennuyeuse.