Si Sévéro, c’est costaud.

On n’a pas tous les jours l’occasion de se hausser du col dans les dégustations en ville, je peux même avouer que mon niveau, proche de celui de mon camarade de jeu, frise l’indigence. Ce n’est peut-être pas un hasard si nous avons associé nos incompétences pour créer Glougueule. Si vous êtes un tant soit peu observateur vous remarquerez que jamais nous ne nous autorisons l’émission d’un avis quelconque sur une cuvée, aussi bonne soit-elle. Des âmes charitables pensent que ce phénomène est en grande partie dû à notre éducation judéo-chrétienne et que les nombreux enseignements qui nous furent prodigués dans les recoins des sacristies, outre leur caractère initiatique, n’y seraient pas pour rien. Que nenni! Rien à attendre de notre humanité, de notre magnanimité, pas de mansuétude, aucune grandeur d’âme, si nous avions le pouvoir, intraitables nous serions. Topor rêvait d’un destin dictatorial uniquement basé sur le plaisir de faire imprimer des timbres à l’effigie de son postérieur et avoir ainsi la possibilité de se le faire lécher quotidiennement par ses sujets. Ah! Monsieur Topor comme vous manquez ici bas. Non, nous c’est uniquement par lâcheté que nous sommes miséricordieux, de notre clémence, nulle trace par le passé, rien à en attendre.

Monsieur William

Monsieur William

Donc vous dire le bonheur que j’ai eu l’autre soir au Sévero est difficilement exprimable avec des mots qui ne seraient pas considérés comme déplacés, voire injurieux envers mes amis présents autour de la table. Il était question d’une bouteille dans une chaussette présentée par William, le maître du lieu. Un couple de Clodoaldiens, Alain et Pedro, experts Brésiliens, mon partenaire de double et votre serviteur pour atteindre la demi-douzaine. Pourquoi ce soir-là la connexion s’est-elle faite entre mon neurone agonisant et ma papille ??? Toujours est-il qu’après immersion de mon appendice, la goutte hésitante qui pendait au bout me lança des signaux appuyés pour m’indiquer qu’une fois par le passé mon odorat avait rencontré des molécules identiques. Un éclair me secoua l’échine, mes yeux se révulsèrent et la bave aux lèvres, de ma bouche infernale sortirent ces quelques mots portés par une haleine putride venue du fond de mon être « C’est un Chablis de chez De Moor! » puis exténué autant qu’hirsute je revins à la raison « Une fois j’ai goûté ça, c’était au Bistral. D’ailleurs Toto c’était avec toi, y avait Arnaud et Poutrelle! » Seul écho à ma supposition, venant d’outre atlantique « Cela m’étonnerait beaucoup que ce soit un Chablis! » La Clodoaldienne dont la moitié de la bouteille avait transité par son Å“sophage supputa que nous avions affaire à un vin blanc de type français et qu’il serait judicieux de héler sa sÅ“ur, la présente étant défunte. Les instants qui suivirent sont à ranger parmi les plus délectables, car je sentais confusément au fond de moi que malgré l’avis doctoral énoncé par le Carioca, ce que j’avais dit n’était pas complétement stupide. William s’approcha de la table et après que nous lui eussions demandé en chÅ“ur de nous révéler la vérité, j’entendis ces quelques mots, que depuis je me repasse en boucle, « C’est la cuvée Bel-Air et Clardy 2013 de chez De Moor! » Ah P…unaise! Comme c’est bon d’être un petit génie de la dégustation à l’aveugle. Malgré le ton comminatoire et l’insistance appuyée que je mis pour qu’ils se prosternassent devant moi mes camarades de table ne saisirent point l’opportunité de m’élever au rang d’idole, s’en tenant à une moue vaguement reconnaissante à la limite de la condescendance. Mais de tout temps l’exception a tardé à être reconnue par les gens du commun. Vous verrez, peut-être, qu’un jour vous aussi après beaucoup de travail vous pourrez atteindre, même de façon fugace, mon niveau. Ceci dit en toute humilité, bien sûr.

7 réponses à “Si Sévéro, c’est costaud.”

  1. mimi écrit :

    Mon PQ qu’est ce que tu écris bien !!!!
    tu devrais écrire des livres
    amitié
    mimi of bastian

  2. CatdeGomb écrit :

    Morceau d’anthologie dont le héros est PQ !
    « Chapeau bas ! » dit la clodoaldienne qui avait CE JOUR-LÀ très soif 😉

  3. olivier de Moor écrit :

    « comme une idole, comme une divinité des îles lointaines »: serait-ce notre Chablis qui t’as laissé l’haleine putride ? A moins que la Clodoaldienne par la deuxième bienvenue, t’ait rendu l’odeur moins fétide, et mon humeur moins irritable…

  4. Olif écrit :

    Désormais, quand on me fera goûter un vin blanc à l’aveugle, moi aussi je dirai « Chablis de chez de Moor ». Avec un peu de chance, j’aurai juste, un jour… Merci pour la leçon, Maestro!

  5. philippe écrit :

    Service !

  6. philippe écrit :

    Point du tout, Très Chère Alice, bien au contraire, je gardais de ton vin un excellent souvenir. A tel point que ses arômes avaient réussi à se loger dans un petit coin de ma cervelle. Là est l’exploit.

  7. olivier de Moor écrit :

    en tout cas merci Philippe et Monsieur William.

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