La couperose est pleine.

Il peut, malheureusement, en être des amitiés comme des amours, avec le temps tout fout le camp. La confiance trahie, l’absolue, la totale est, me semble-t-il, la plus insupportable. Comme souvent c’est au détour d’un geste, d’un regard, que l’on découvre la vraie nature de l’autre. Jusqu’ici je m’étais laissé éblouir, le cÅ“ur bercé par l’insouciance de cette grande amitié née de passions communes, d’appartenance à une même communauté d’ancêtres venus du Grand Nord. Ce signe de reconnaissance, cette appartenance je la porte au visage comme autant de médailles conquises depuis mon enfance en affrontant les froids normands de la Plaine de Caen. La morsure profonde de cette rigueur hivernale a dessiné sur mes joues des cartes qui permettent aux initiés d’y lire mon parcours. Telle une cartomancienne, un chirurgien esthétique rencontré au détour d’un comptoir, m’avait reconstitué le passé et su y voir ma passion pour les Vallées du Rhône et de la Loire. Il me proposa d’effacer ces traces, de gommer ce passé, en gros de me refaire une virginité faciale, mais alors quid de tous ces polos, chemises et pulls achetés en total coordonné avec cette teinte (ref : RAL 3018). Je ne pus m’y résoudre, on ne s’affranchit pas si facilement de le rubiconde.

Un beau matin de ce mois de juillet, à l’heure où les grands fauves s’apprêtent à ne rien faire en attendant que les femelles fourbues rentrent tranquillement de la chasse, j’ai surpris celui que dorénavant je nommerai « Ze Félon » appliquer furtivement sur ses joues une substance pâteuse qui soudainement lui procura un éclat extravagant, un incroyable réseau sanguin révélant de somptueuses veinules purpurines. J’avais tout à coup sous les yeux un inuit pur jus à la silhouette fine et élancée, seule sa trousse de graisse de secours stockée au niveau de la ceinture lui donnant l’allure du parfait touriste affublé d’une banane de saindoux. Je venais de découvrir le pot au couperose, celui qui se faisait passer pour un pur viking n’est en réalité qu’un produit de la capitale qui pour se la jouer nature use d’artifices. C’est lamentable, de plus je ne suis même pas sûr que son intention première ait été d’obtenir un faciès rubicond et que la première zone sur laquelle il se la soit appliquée ait été le visage car cette préparation pharmaceutique se nomme : Rozex.

Lamentable je vous dis.

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3 réponses à “La couperose est pleine.”

  1. luc écrit :

    eh oui,
    il y a loin de la croupe aux lèvres… (vian)

  2. ledgé écrit :

    Et comme disait Cegailoup : »Qui n’a pas sa Rosez à quarante ans a raté sa vie… »

  3. Balthazar écrit :

    Bonjour,

    C’est fou ce que le vin ouvre comme portes inconnues et suscite comme expériences singulières. Moi, c’est l’éléphant rose qui m’agace ; ce rose stupide m’insupporte. Auriez-vous une solution ?
    Bien à vous
    Balthazar

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