On ne choisit pas sa famille.

Lorsque ma seule et unique belle-sÅ“ur de mon unique frère m’a offert ce bocal « Le Parfait » de 2L,  je n’ai tout d’abord pas su comment je devais réagir. Devais-je l’en remercier ou profiter de l’occasion pour me fâcher avec eux et ainsi, enfin, devenir orphelin sur le tard? Rentré à la maison, j’ai bien pris soin de ne pas le ranger avec les comestibles. Il a ainsi trôné durant quelques années entre Javel et Destop. Et c’est à l’occasion d’un de nos symposiums philosophiques dans l’arrière-pays grassois où nous dégustons l’ovin naturel du coin que j’ai décidé de le ressortir. Est-ce la vue de ce documentaire sur le suicide collectif de la secte de Jim Jones en 1978 au Guyana, toujours est-il que j’ai senti le moment venu de faire ce grand pas vers l’inconnu en compagnie de mes vieux amis. C’est au deuxième jour que, l’esprit embué par différentes expériences gustatives, les héros fatigués ont fini par baisser la garde. Repus, nous venions de grignoter une dizaine de loups grillés à la braise, arrosés d’un petit magnum d’Amphibolite de Jo Landron. Posant le bocal sur la table, j’étais Francis Blanche dans les Tontons Flingueurs : « Maintenant qu’on a piraté le tout venant, on se risque sur le bizarre ? » L’enthousiasme général a mis un certain temps à se manifester. Il est vrai que la vue ne plaidait pas en ma faveur et c’est bien parce que l’ami Jacfé dispose d’un estomac basé sur le principe de la vis sans fin, que du bout des lèvres il a murmuré « Bon, ben s’il n’y a plus que ça! ». J’ai tiré sur la languette de caoutchouc orange comme on dégoupille une grenade. Ces choses oblongues à rayures immergées depuis une bonne quinzaine d’années dans cette mixture de vin blanc, carottes, oignons et autres ingrédients, étaient-elles encore vivantes et de quelle façon allaient-elles manifester leur retour à la vie? Les mines de mes camarades traduisaient assez peu d’empressement. Chacun se risqua de la pointe de la fourchette, impassible, sans manifester la moindre émotion Puis le va-et-vient s’accéléra pour rapidement évoquer la frénésie d’un banc de requins-fourchettes en crise. Dix minutes pour ne retrouver en bout de table que la carcasse vide. Le verdict de notre comité tomba net et avec grosses bavures résumé en termes imagés et concis dont je ne retiendrai que la première interjection, que l’on pourrait assimiler à un cri de douleur, suivie de l’évocation d’un ruminant, suivie quelques secondes plus tard de l’inévitable : « Et tu peux en avoir? » Hé bien oui je peux en avoir, et du millésimé en plus. Car j’aime ma famille et plus particulièrement ma belle belle-sÅ“ur, cette chère chère Catherine, qui m’a promis de me réserver les derniers bocaux qui se trouvent au fond du garage.

Miam!

2 réponses à “On ne choisit pas sa famille.”

  1. Denis Boireau écrit :

    Et est-ce qu’elle peux nous donner sa recette, la belle-soeur?
    Merci d’avance.
    Denis

  2. Françoise Bru écrit :

    …. et votre chère belle soeur serait-elle disposée à en donner la recette ? et … la bouteille ..juste derrière le bocal … c’est quoi exactement …
    FB

Laisser un commentaire