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Mouton-Rotschild 1982

philippe 21 février 2011 1 comment

“Hé! M’siou Philippe! Vous qui aimez le vin, y’a mon cousin qui en vend, ça vous intéresse ?

– Faut voir! Djallel! Faut voir! Qu’est-ce qu’il vend?

– Ch’sais pas, j’te les apporte demain si tu veux?”

Djallel est un des Tunisiens qui travaillent sur notre maison, nous sommes en 1989 et il fait très très chaud sur la Côte d’Azur. Le lendemain, comme promis, Djallel arrive la sueur au front et un gros carton dans les bras.

“Voilà! Philippe! Y’en a plein, tu regardes et tu me dis combien tu donnes!”

Une dizaine de bouteilles en vrac, un Bartissol, deux ou trois rosés dont les étiquettes avaient disparu, hermitage et crozes aux niveaux de misère, un rouge trois étoiles en litre. Je commençais à me dire que vraiment tout était à jeter quand tout au fond je reconnus cette étiquette aux dégradés de bistre si caractéristiques de ce 1er cru bordelais. Je bouscule un peu les autres bouteilles pour atteindre le prestigieux flacon. P…..! c’était bien ça! Chateau Mouton-Rotschild et 1982 en plus. Niveau, étiquette, capsule tout était nickel. Une quille comme je n’en avais jamais bue.

“Alors qu’est-ce t’en dis?

– Mouais, écoute Djallel, moi y en qu’une qui m’intéresse. C’est celle-là!

– Et combien t’en donnes?”

La calculette s’était mise illico sur ON : construction de la maison, achat de bois pour les mezzanines, cette bouteille elle vient d’où? Depuis combien de temps il la balade de chantier en chantier et à quelle température? S’il y a un bouchon, j’en fais quoi sinon un vin chaud et puis ce n’est pas trop le moment d’aller dépenser dans du vin.

“Ecoute! Dis à ton cousin que je lui propose 500F pour sa bouteille”

Le lendemain la réponse m’arrivait : “C’est pas assez! il a dit mon cousin.

– Eh bien dis-lui que je suis désolé mais que je ne peux pas lui en offrir plus!”

Nous en restâmes là.

La maison fut livrée et comme nous avions sympathisé, Djallel vint manger quelques fois à la maison. Il nous annonça son mariage, ainsi que celui de son cousin, qu’ils feraient le même jour afin de réduire les frais et économiser un voyage à la famille de Tunisie. Au repas suivant Djallel nous raconta par le menu l’ensemble des festivités. La joie de tous et plus particulièrement des frères et cousins venus du bled qui avaient mangé et bu “comme des sagouins” jusqu’à pas d’heure. Le logement, comment faire dormir tant de monde dans si peu de surface?. Les jeunes mariés partis la nuit même en voyage de noces avaient laissé leurs appartements aux cousins, qui rentrés au petit matin n’avaient toujours pas envie de se coucher et, malgré les volumes ingurgités, avaient toujours soif. Comme vous vous en doutez, cette nuit fut la dernière pour notre Mouton-Rotschild 82 qui fut proprement torpillé par une bande d’assoiffés qui, j’en suis sûr, n’en ont gardé aucun souvenir sinon celui insolite d’avoir découvert une bouteille de vin  enroulée dans du papier, cachée dans une boite à chaussures.

Requiescat in Pace!

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philippe

https://www.glougueule.fr
Afin d'accéder à l'aristocratie épicière, Philippe QUESNOT, alias PQ, suivra des études de grouillot en architecture et béton armé durant environ une quatorzaine d'années entre Paris, Evreux et Nice. Se sentant mûr pour se lancer dans la carrière qu'il a toujours voulu embrasser, il décide de créer, en partenariat avec un de ses anciens collègues, un complexe épicier qui tiendra à la fois du bazar, du foutoir et surtout dans 70m². Ce n'est que sur le tard, après sa rencontre avec Sylvie AUGEREAU et Michel TOLMER qu'il participera à cette magnifique aventure qu'est GLOUGUEULE. Dans un premier temps pressenti pour le Nobel de la Paix, il lui sera préféré qui vous savez. Le consortium tentaculaire de l'industrie du rire ne lui a toujours pas pardonné sa liberté de ton, souvent sarcastique et surtout la subtile alchimie de son humour si fin et léger qu'il sait si facilement mettre en œuvre pour notre plus grand bonheur.

1 comment

  1. Salut les “Glougueule”. C’est un plaisir de vous lire et être là pour les derniers jours d’un “Mouton” c’est comme toucher le bout du monde le temps d’une bouteille. Intense et pas assez long 😉

    Si vous avez 3 minutes 32, je vous invite à visionner les commentaires et souvenirs de Jacques Orhon sur vinexpo… il termine avec un souvenir à Mouton;)

    Hélène Dion, collaboratrice vins de France sur http://www.vins-france.ca.

    Je vais vous suivre!

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