Je ne sais si ce sont les deux artichauts farcis ou le fait d’avoir repris au moins trois fois des « spaghetti alle vongole », toujours est-il qu’aprés avoir bu largement sa part du magnum de Mémé 2003, du Selosse cuvèe Contraste, du Arena Grotte di Sole blanc 2004, du Puligny-Montrachet « Les Pucelles » 2002 du Domaine Leflaive, du Richebourg 1er Cru 2000 des Domaine Leroy, mon ami a ressenti ce que j’appellerais pudiquement « du vague à l’âme ».
« Kéno y faut qu’tum’ramènes chez moi…., maint’nant ! ». Le ton péremptoire laissait transparaitre le caractère urgent de la chose dite. Quelques mètres à l’air libre et c’était l’accident de décompression. Une remontée trop brusque d’une cave peut être fatale. Je me suis tout de suite mis à la recherche d’un caisson hyper-bar, rien. Je déposais délicatement mon camarade sur un banc et m’urgençais vers la voiture. Quelques minutes plus tard je récupérais le Grand Bleu à son dernier palier avant retour parmi les hommes. Nous n’avions pas fait un km à l’horizontal que l’appel du large se refaisait sentir. Vitre grande ouverte mon ami avait décidé de se délester du superflu. Roulant sous une pluie drue, je ne m’inquiétais pas outre mesure du caractère « graffitti spaghetti » sur le noir métallisé de la portière. La nuit tombée je remettais mon ami entre les mains de sa femme et regagnais mes pénates. Je trouvais bien qu’il régnait une petite odeur fortement iodée, un peu comme qui dirait le Port de Vannes à marèe basse. Ma main faisant office de chistéra renvoyant les effluves de ma bouche vers mon nez, j’attribuais ce léger fumet à ma « propre » haleine. Travaillant fort tôt, donc de nuit, ce n’est que le lendemain midi que j’ai découvert que quelques membres du troupeau de pâtes n’avaient pas pu accomplir l’irréparable saut vers l’inconnu et avaient préféré, à l’aide de leurs petits ongles, s’accrocher aux éléments de cuir de la portière. La notion de calligraphie malodorante venait de naitre. Une petite heure de nettoyage, juste aprés déjeuner et hop! Comme tout monument aux morts en décembre, tout dépôt de gerbe avait disparu. C’était compter sans les clandestins qui ont trouvé refuge à l’intérieur de la portière et dont parfois certains réaparaissent au hasard des remontées de vitre. C’est aussi ça l’amitié, l’art de semer ces petits pavés de granit qui feront que l’autre pensera à toi à chaque fois qu’il se baladera pieds nus dans le noir.
Merci Kopin !
Toto
Keno, t’es grand!