Archive pour février 2018

Vingt en Vrac, prochainement, enfin bientôt aux Éditions de l’Épure.

lundi 19 février2018

Le 12 avril sortira aux Éditions de l’Épure « Vingt en Vrac » recueil de nouvelles toutes vraiment plus les unes que les autres. En arriver Ă  un tel niveau de finesse d’Ă©criture et de drĂ´lerie caustique ne fut pas une sinĂ©cure pour l’auteur. J’ai dĂ» des mois durant au fond d’une cave humide sur les murs de laquelle ne ruisselait que de l’eau, trimer sous la fĂ©rule impitoyable de Sabine Bucquet-Grenet, dite La Patronne. Vous avez ci-dessous une des cinq recalĂ©es, Ă  ce point excellente qu’il vous sera difficile, voire impossible d’imaginer le registre des vingt retenues.

Kenobama par Marc Demuseau

Château Machepro

Il en est du monde du vin comme du reste, pas d’exception, on y rencontre de tout, de tous horizons, jusqu’au rustre de concours. Pourquoi cet univers dĂ©rogerait-il Ă  la règle ? En croiser un beau, un vrai ne laisse jamais indiffĂ©rent et marque son homme, voire le laisse hĂ©bĂ©tĂ©, pantois devant la performance du discourtois.

Deux fois par an a lieu à Cagnes sur Mer dans l’enceinte de l’Hippodrome un grand raout où producteurs de tous horizons s’agglutinent pendant trois, quatre jours pour célébrer la grand-messe du manger et du boire, l’occasion de réelles découvertes et de belles déconvenues. On rencontre là, fin des années 90, les Muscadets et la moustache de Jo Landron, cette autre, non moins belle de Philippe Chatillon descendu de son Jura, les alcools de poire, de reine-claude et derrière une mèche rebelle, Laurent Cazottes, le gras fondant de l’échine du porc noir de Bigorre de Pierre Matayron mais aussi bon nombre de liquides insipides et de solides indignes. C’est aussi l’opportunité au beau milieu du printemps et de l’automne d’aérer les ancêtres ou de les préparer à l’hibernation, les maisons de retraite ne s’y trompent pas qui les déversent par cars entiers. Celui de mai est reconnaissable aux effluves de naphtaline survolant le troupeau en mouvement. Dans un raffut de déambulateurs, de prothèses de hanches et de caddies, les portes s’ouvrent à dix heures pétantes sur cette meute de retraités avides, prêts à dilapider leurs pensions pour retrouver des bribes de leur enfance et se charger de souvenirs pour l’éternité.

Plan en main, on déambule dans les allées, le bout du nez mené par les odeurs. En entrant à droite au fond, c’est devenu une habitude, je bave sans retenue sur ce pain d’épices aux parfums de réglisse. À l’idée de le déguster, associé à un beurre demi-sel, mon cholestérol s’envole. Toutefois son passage sur la balance me rappelle qu’il se vend au poids et qu’en l’occurrence sa densité proche du mercure devrait m’inciter à la retenue, pour peu que je cède à la tentation et ajoute une ou deux douzaines de ces macarons dont la croute s’effondre pour libérer une purée d’amande délicieusement amère.

Mais je m’égare, j’étais parti pour dĂ©goiser, mĂ©dire sur mon prochain et voilĂ  que je digresse….de cheval. Je sais, je sais, dĂ©solĂ© mais le lieu m’y autorise. Bon donc, revenons Ă  mon malappris. Proche voisin du stand de Laurent Cazottes, j’avais fait sa connaissance et goĂ»tĂ© les vins, l’homme Ă©tait jovial, très volubile et franchement sympathique. Les annĂ©es passent et rĂ©cemment au hasard de mes dĂ©ambulations je retombe sur lui. La conversation reprend lĂ  oĂą nous l’avions laissĂ©e, j’achète quelques bouteilles, je traine, je regoĂ»te, et finis par l’inviter le soir mĂŞme avec sa collaboratrice. Le salon ferme Ă  20h, la maison est Ă  deux pas. Cela tombait bien nous avions ce soir-lĂ  nos hĂ´tes permanents : Jo, Guillaume et le beau RĂ©nato. ElevĂ©s Ă  l’ancienne, nous avons tenu Ă  ne rien entamer, ne rien toucher, ne rien boire tant que nos invitĂ©s d’un soir n’étaient pas lĂ . L’exercice Ă©tait difficile, d’autant plus que nous ne sommes pas habituĂ©s d’ordinaire Ă  moduler, Ă  jouer sur la retenue, nous avons la pĂ©dale d’embrayage susceptible. Parfois le moteur s’emballe sans que nous le voulions. GĂ©nĂ©ralement dès que les premiers se pointent, on dĂ©clenche les hostilitĂ©s avec un petit coup de blanc, immanquablement les autres invitĂ©s arrivent avant que la deuxième ne soit vide. 20:30 arrive, le frein Ă  main est bloquĂ©, au taquet, mais rĂ©siste. 21:00 ça sent le caoutchouc brulĂ©, on rĂ©crimine dans les rangs. Un certain, d’ordinaire si mâle, simule l’inanition. Craignant que ne s’y mĂŞle l’amertume devant mon attitude qu’il juge si molle, je compose. 21:30 Ils sont perdus, je les guide par tĂ©lĂ©phone, ils ne devraient plus tarder. RĂ©nato redevient frĂ©quentable. 21h45 Je sors dans la rue pour les accueillir. Il est presque 22h00 lorsque la voiture se gare sur le parking. Mon vigneron et son assistante en descendent et lĂ  lui me regarde quelque peu surpris, voire interloquĂ©, je lis une forme de dĂ©convenue sur son visage. Il jette un regard alentour. « Il y a un problème ? Â» lui dis-je. « C’est toi, Philippe ? Â» « Ben oui ! Pourquoi ? Â» « Parce que nous sommes bien invitĂ©s Ă  manger ce soir chez un Philippe, mais ce n’est pas toi… Tu n’es pas motard ? Â» « Ben non ! Pourquoi ? Â» « Parce que celui de Philippe chez qui nous devons manger ce soir est motard. Â» « Et alors ? Â» « Ben alors faut qu’on y aille parce que je lui ai promis que nous mangerions ensemble ce soir. Excuse ! Â» Ça je ne suis pas certain qu’il l’ait dit. Et mon  bonhomme est remontĂ© dans sa voiture et a filĂ© vers Antibes lĂ  oĂą habitait Philippe le motard. J’ai refait les 50m qui sĂ©parent la rue de la maison, mĂŞme pas Ă©nervĂ© ni fâchĂ©. J’ai dĂ» me dire Â« Ben merde alors ! Il est magnifique celui-lĂ  ! J’aurais dĂ» le mesurer avant de le relâcher » SubjuguĂ©s par l’énormitĂ© du gag, nous nous sommes appesantis quelques instants sur le malotru avant de dĂ©crĂ©ter que la pĂ©riode de sevrage avait suffisamment durĂ©, que le frein Ă  main pouvait ĂŞtre lâchĂ© et que les hostilitĂ©s Ă©taient ouvertes. « Allez Guillaume ! Fais pĂ©ter un coup de blanc ! Â»

Mimi, Fifi & Glouglou – Tout faux

mercredi 14 février2018